Ces affrontements se déroulent alors même que le monde industriel français se restructure et passe de la phase patronale au capitalisme financier. Le destin de l’usine Rateau de La Courneuve est inscrit dans cette logique : crée par l’ingénieur Auguste Rateau (1863-1930) puis associée au groupe Schneider (sur décision de l’Etat), elle est rachetée par le groupe CGE-Alsthom en 1970.
Entamée le 31 janvier 1974 et achevée le 29 avril de la même année, la longue grève « des Rateau » signe, pour la CGT et le PCF, une nouvelle façon de lutter et de communiquer, entre l’héritage de 1968 et la construction de nouvelles pratiques.
– Projection : « Rateau » (sans titre ni générique, 24 min) et rushes montés par Julien Pornet à Périphérie.
Introduction : Christian Beauvais, président de l’Institut CGT d’Histoire sociale de la Seine Saint-Denis.
Invités : Christian Novarini (syndicaliste), Pierre Tavernier (syndicaliste), Xavier Vigna (historien, auteur de l’Insubordination ouvrière dans les années 68, essai d’Histoire politique des usines, Presses Universitaires de Rennes, 2007), Pierre Corman (opérateur et réalisateur), Hervé Delouche (auteur de Rateau, histoire d’une entreprise, 1994) …
Conception et animation de la table-ronde : Tangui Perron, chargé du patrimoine et de l’action culturelle à Périphérie.
Collaboration : Myriam Goncalvès (Photothèque de l’IHS-CGT), Sylvie Zaidman (Archives départementales)
Partenaires : Périphérie, Archives départementales de la Seine-Saint-Denis, Institut CGT d’Histoire sociale de la Seine Saint-Denis, Photothèque de l’IHS-CGT
A partir des années 1970, un grand nombre de films sur les conflits sociaux ont été réalisés dans le département de la Seine-Saint-Denis dans le but de garder un souvenir, une trace, la mémoire d’un mouvement.
D’autres, moins nombreux, ont un contenu plus ambitieux : il s’agit de dégager le sens d’un combat et même d’indiquer la « voie à suivre ». Les premiers ont été en majorité réalisés par des salariés, les seconds par des cinéastes professionnels. Ces cinéastes proviennent généralement eux-mêmes de deux champs idéologiques de gauche opposés. Tous ces films sont des documents historiques, certains sont de véritables essais de création artistique.
La lutte terminée, gagnée ou perdue, ces films n’ont plus de vie réelle. Entre la vignette, l’album de famille et l’oubli, ces documents finissent le plus souvent par être relégués hors du champ de l’histoire. Cependant, les « retours de flamme » de l’actualité, ou le travail artistique, permettent de leur redonner une visibilité et un écho plus grands. Or, la production, la réalisation et la réception des films sur les conflits sociaux ont aussi une histoire. Celle-ci peut être écrite en sollicitant les témoignages de ceux qui ont pris les images, confrontés aux souvenirs des acteurs de la lutte.
Révéler et construire l’histoire d’un film et évoquer historiquement un conflit social participe ainsi à un même mouvement de connaissance du réel. On tentera ici d’esquisser une approche matérialiste de l’image et des représentations, en prenant comme point de départ (et d’arrivée) les nombreux films réalisés au sein d’un même territoire, la Seine-Saint-Denis, département riche en implantations industrielles qui a de surcroît une longue tradition de luttes ouvrières. T.Perron